Un toit rose, de tuiles à godrons, dites tuiles romaines. Un cyprès en fuseau, noir sous la belle lumière et quelques saules à grosse tête, chevelus d’un feuillage tendre que le vent peigne, divise, écarte et referme. Derrière le cyprès une petite pièce de seigle étincelle d’un vert éclat printanier : un grand ciel pâle d’avril couronne cette parcelle paisible de l’univers.
« Pourquoi savons-nous que nous sommes en France ? » dit mon compagnon.
Il s’explique :
« Je ne parle pas d’une certitude géographique. J’entends la certitude émouvante qui nous informe : voilà une beauté de France, son équilibre, sa composition à laquelle un art semble participer… Le cyprès isolé, les vieux saules au feuillage neuf, un toit rose nichent aussi bien dans tous les coins de l’Italie que dans notre Midi. La sèche pierraille de la colline peut appartenir à l’Espagne, et ce grand ciel vaporeux, nous avons vu régner sa décoloration suave sur le Maroc. Mais transportez-moi endormi, déposez-moi ici, je m’éveille et je crie : « C’est la France ! » « Pourquoi ? »
Je ne donnai pas de réponse à mon compagnon qui est poète. Un poète accepte le silence comme une réponse, et même une réponse flatteuse. Dans le lyrisme gît une part de la vérité. Un poète perçoit et exprime généreusement ce que retient notre sensibilité, non pas moins vive, mais moins musicienne. De sorte que lorsqu’il s’écrit : « Que c’est beau ! », nous nous taisons, émus…