cet air de rien

Anna Urli-Vernenghi

Mois : mai 2022

si vous avez le temps ou la curiosité…

La chute, cela pourrait être lorsque vous comprenez que vous ne reverrez plus comme avant telle personne, une personne dont vous n’avez jamais voulu parler dans vos petits billets. Une sorte de jardin secret. — Qui n’a plus de raison d’être, l’homme se remarie… Alors oui, vous pourriez le revoir, accompagné. Ça vous tente pas vraiment à l’instant.
« Rien entre vous » pourrait dire le pragmatique, « Rien entre vous », pourrions-nous tous dire. Mais lui et moi savons le lien de cette amitié de quatre années. L’annonce, hier, m’a si troublée, que je lui en ai parlé, aussi à l’amie, qui n’en savait rien.
Intellectuel, ainsi le définirai-je. Toujours à parler naturellement avec ces mots bien bien alambiqués, dont je ne soupçonnais même pas l’existence. Pas du tout pour faire le m’as-tu vu, parce que c’est tout simplement les mots qu’il faut pour exprimer l’idée. Pourquoi a-t-il aimé mes petits tweets si légers. — J’eus la chance de recevoir un matin quelques mots délicieux : Je serai à Paris… si vous avez le temps ou la curiosité…
J’ai pris ce temps. J’ai eu cette curiosité. Je voulais savoir dans ma solitude, où j’en étais avec cet Art de la Conversation. Il fit une entrée fracassante dans le petit restaurant italien en bas de la maison de ce temps-là, un tourbillon, cheveux ébouriffés, sacs bondés de livres, dossiers, carnets, bringuebalant autour de lui. Si la magie n’opéra pas durant le repas, timidité des débutants ; elle le fit au coeur de ce Paris où nous marchâmes dans la nuit….

C’était bien…

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L’orage

L’orage… C’est donc le premier que j’accueille dans cette nouvelle maison. Un dimanche de la mi-Mai. Il est 21 heures, et la pluie se fait régulière, assez puissante finalement. Erri, en petit chien peu habitué aux excès de la météo, regagne maintenant une des deux places préférées pour s’endormir. Je suis là, pas bien loin, aucune raison d’avoir peur, elle a mis un pyjama blanc, elle partira pas…
Qui n’a eu ces souvenirs délicieux d’après-midi d’été dans la chambre d’une maison aux volets entrebâillés, à deux, sous un drap de lin blanc, à écouter la pluie tomber. Nul besoin de Mozart, Beethoven…. Juste écouter ensemble la musique de cette pluie d’orage.

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Ces éclats de rire….

C’est clair, ça coûte une blinde d’envoyer une équipe de journalistes et photographes au Festival de Cannes. Louer des studios pour 5/6 personnes, surtout près du Palais. À la création de l’agence il fallait se faire connaître, reconnaître, palabres etc… ce dont je suis loin d’être une reine. Mais je crois en la justice poétique et, une année, je reçus, sans que je le demande, le fameux Passe Blanc, qui donne pratiquement accès à tout. Louisette Fargette me l’avait accordé à la vue des parutions. Fierté des photographes… Les voir heureux lorsqu’une attachée de presse se promenait avec notre plaquette sous le bras.
Nous n’avons jamais voulu payer pour la moindre exclusivité. Et c’était méconnaître le talent de débrouillardise de nos photographes. Tu m’veux pas ? Tu m’auras quand même…. Ils avaient la photo.
Qu’il fallait envoyer le plus vite possible à Paris. Aller à l’aéroport, trouver un passager qui accepte de prendre le paquet de pellicules…. Les développer, choisir, dupliquer etc….
Me rappelle ce que me disait un des vendeurs qui allait à Paris Match. Au service photo, ils s’amusaient à préparer trois trophées, Or, Argent, Bronze pour l’arrivée des agences.
Je ne sais plus combien nous en avons eus…
La journée finie, à Cannes, de grandes tablées de photographes dans la pizzeria du coin. Des anecdotes des uns des autres, à hurler de rire…. c’est ça qui me reste. Ces éclats de rire.


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Urli à Cannes, avec Rupert….

1er mai, banlieue rouge

À fond, Triple concerto, un soleil du jour, un bleu, net, là-haut, qui me mènent à un 1er mai dans ma banlieue rouge près de Paris. Même bleu, même soleil, chaleur plus forte si je m’en souviens bien. La musique plus fracassante mais adorée. J’allais porter ce jour-là une robe bien mini-mini violette, imprimé psychédélique, à manches courtes. Ma grand-mère, vêtue d’une de ses blouses noires, enfilant une veste toute aussi noire, m’embrasse. Me dit : Je t’ai préparé un repas froid. Je vais voir les Camarades et rentrerai en fin de journée.
— Mais tu sais bien que je vais manger une pizza avec Urli.
Ma grand-mère alors, pose son sac noir sur la table, laisse passer quelques secondes ; sa voix douce me transmet son inquiétude. C’était le moment de l’exprimer : Pourquoi tu es amoureuse d’un Italien ? Il va te battre, passer ses journées au café à jouer aux cartes et il te prendra tes sous.
J’ai compris ce jour-là que le mot « amoureuse » lui échappait totalement, comment ne pas être bouleversée. — Que répondre, sinon le banal « T’inquiète pas … »
Quant à savoir où était maman ce jour-là, mystère…

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