cet air de rien

Anna Urli-Vernenghi

Catégorie : citation

L’esquisse d’un sourire

Rentré chez moi, j’ai ouvert la mallette de Bernard, feuilleté Du côté de chez Swann du fameux Proust, lu une page au hasard, esquissé un sourire, refermé le bouquin, puis allumé la télé. Pendant le match du championnat de Turquie, la voix sortie du livre est revenue flotter dans la pièce, filtrée, charmeuse, entêtante. Elle m’a ramené à la table où j’avais posé la mallette. J’en ai tiré deux autres livres, ceux qui me venaient sous la main. Les filles du feu de Nerval parlait d’une voix différente. Du Voyage au bout de la nuit s’échappait encore une autre voix. Chaque livre avait sa propre voix. Des voix comme je n’en avais jamais entendu, ultrasoniques, rythmées, souveraines, sublimes. Des voix auxquelles il était impossible de se dérober. Elles m’intimaient de les écouter. L’ordre ne sortait pas de la bouche d’une mère ou d’un professeur comme pendant ma scolarité à Froncy, mais du coeur des textes, du sens, des images, des visions formés et portés par ces voix, voix impérieuses, mais assez complices, amicales, pour me laisser entendre qu’elles aussi avaient besoin de mon attention, de ma générosité, de la mobilisation de ce que j’avais de meilleur en moi, pour délivrer leur pleine puissance, la variété de leur gamme, me transmettre quelque chose que je devrais d’une manière ou d’une autre convertir et prolonger dans l’existence et à ma façon. Au niveau de solitude où j’étais parvenu, il m’était naturel, vital, de leur obéir ; j’en éprouvais même une sorte de fierté.
J’avais donc arrêté les médicaments et m’en étais remis aux voix.

Jean-Marc Parisis
L’histoire de Sam
ou l’avenir d’une émotion

Vous qui habitez le temps – Valère Novarina

Seize temps sont quand il en est encore temps :
le présent lointain,
le futur avancé,
l’inactif présent,
le désactif passé,
le plus que présent,
son projectif passé,
le passé postérieur,
le pire que passé,
le jamais possible,
le futur achevé,
le passé terminé,
le possible antérieur,
le futur postérieur,
le plus que perdu,
l’achevatif,
l’attentatif.

le mystère – Albert Einstein

L’émotion la plus forte que nous pouvons éprouver est le sens du mystère. Ce sentiment suscite l’art et la science. Celui qui ne connaît pas cette sensation, qui ne sait plus s’arrêter pour méditer et rester charmé dans une admiration craintive est comme mort : ses yeux sont aveugles.

Quand je lis – Erri De Luca

Quand je lis des livres en vers, des livres de poètes, chacune de leurs pages ressemble à une route. Pour moi, un livre de poèmes est une ville. Sur les vers de Brassens et de Rilke, de Dylan et de Brodsky, je me promène, je cours ou bien je m’arrête : je voudrais habiter là.

Aller simple

Ce soir, – Peter Handke

Ce soir, on dirait que tout ce que j’ai désiré s’accomplit, comme si, sans distance à parcourir, je pouvais par enchantement me rendre d’un lieu de bonheur à l’autre,

l’intello et l’artiste, par Bukowski

   un intello est un individu qui, pour dire quelque chose de simple, le fait en l’embrouillant ; l’artiste est celui qui, pour rendre compte de la complexité, se sert des mots de tous les jours.

Journal

Un certain état de grâce – André Breton

Si la vie, comme à tout autre, m’a infligé quelques déboires, pour moi l’essentiel est que je n’ai pas transigé avec les trois causes que j’avais embrassées au départ et qui sont la poésie, l’amour et la liberté. Cela supposait le maintien d’un certain état de grâce. Ces trois causes ne m’ont apporté aucune déconvenue. Mon seul orgueil serait de n’en avoir pas démérité.

« Je veux dire le nu », Picasso

   « Je veux dire le nu. Je ne peux pas faire un nu comme un nu. Je veux seulement dire sein, dire pied, dire main, ventre. Trouver le moyen de dire, et ça suffit. Je ne veux pas peindre un nu de la tête aux pieds, mais arriver à dire. Voilà ce que je veux. Un seul mot suffit quand on en parle. Ici, un seul regard, et le nu te dit ce qu’il est, sans phrases. »

Picasso, 1966

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