Paris, janvier 1939
Dimanche
… Mon temps commence à se raccourcir. Il faut que j’utilise mon énergie le mieux possible. Je vois très clairement ce qui m’attend. Et il y a aussi beaucoup de choses que je ne vois pas – et que pourtant je devrai faire aussi. Je me dénude de plus en plus, je voyage avec de moins en moins de bagages. Lorsque je parviendrai au centre vital, je me contenterai d’ÊTRE !
En lisant les épreuves de Capricorne, je suis de plus en plus frappé par les sous-entendus métaphysiques dont le livre abonde. En lisant la vie de Balzac, je suis frappé au contraire par le détour futile, inutile qu’il a fait après l’adolescence, (D’innombrables analogies entre sa vie secrète – et aussi sa vie publique – et la mienne). Chaque fois que je mets la main sur un livre mystique, je suis renvoyé, pour ainsi dire, à un royaume fondamental et vrai et mon être qui m’a été si souvent refusé dans la vie. Dans cent ans, les phrases que je laisse tomber çà et là, dans mes livres et dans mes lettres, seront étudiées pour prouver ceci ou cela, je le sais bien.
Mais maintenant, même maintenant, je suis déjà frappé par l’élément prophétique qui est une partie essentielle de moi-même (…) J’ajoute seulement un autre détail : je suis dans cette période de grâce au cours de laquelle tous mes désirs sont comblés. Je n’ai qu’à demander, et on me donne, je n’ai qu’à frapper et la porte s’ouvre.
Une correspondance privée