Je ne ressens pas la nostalgie des jours passés
– sauf celle d’une nuit d’été –
et même l’ultime éclat bleu de mes yeux
te dira la bonne nouvelle
des jours à venir.
(1947)
Je ne ressens pas la nostalgie des jours passés
– sauf celle d’une nuit d’été –
et même l’ultime éclat bleu de mes yeux
te dira la bonne nouvelle
des jours à venir.
(1947)
Je parle et l’on me parle et je connais l’espace
Et le temps qui sépare et qui joint toutes choses
Et je confonds les yeux et je confonds les roses
Je vois d’un seul tenant ce qui dure ou s’efface
La présence a pour moi les traits de ce que j’aime
C’est là tout mon secret ce que j’aime vivra
Ce que j’aime a pour toujours vécu dans l’unité
Les dangers et les deuils l’obscurité latente
N’ont jamais pu fausser mon désir enfantin
Ailleurs Ici Partout
Que dire
Des trouées de l’âme
De la glisse des pensées
Des dérapages du sens
Que dire
Du corps qui se rénove
Par la grâce d’une parole
Le secours d’une caresse
La saveur d’une malice
Que dire
Des jours si vivaces
Des heures si ténues
De la geôle des mots
De l’attrait du futur
Que dire
De l’instant
Tantôt ennemi
Tantôt ami ?
Au fond j’ai toujours su
Que j’atteindrais l’amour
Et que cela serait
Un peu avant ma mort.
J’ai toujours eu confiance,
Je n’ai pas renoncé
Bien avant ta présence,
Tu m’étais annoncée.
Voilà, ce sera toi
Ma présence effective
Je serai dans la joie
De ta peau non fictive
Si douce à la caresse,
Si légère et si fine
Entité non divine
Animal de tendresse.
Plaines
par-dessus de hautes plaines de nuages
on plane
on plane
où l’on planerait toute la vie
La terre pour finir revient faiblement
basse, bâtie, trop bâtie, aplatie
large tapis parcouru de haut, de très haut,
vers d’impérieux tracés en longues lignes.
La grande aile, où l’on est, vire
… se pose
Retour, réseaux, couleurs… l’air si fade
taupes obscures rentrant dans l’obscur
Déplacements – Dégagements
Sans me lasser, comme caillasse
Que l’on casse, sans me lasser
Comme on attend la mort,
Venir la rime, sans me lasser
(Comme l’otage dans ses chaînes
Attend venir la souveraine)
Sans me lasser, comme on caresse
Sa vengeance, sans me lasser –
Je t’attendrai (Plombe paupières.
Dents contre lèvres. Roidie. De pierre.)
Sans me lasser, comme l’on berce
Sa tendresse, sans me lasser
Comme des perles que l’on perce,
Sans me lasser, comme des ongles
Que l’on ronge, sans me lasser
Je t’attendrai – Grince un traîneau
Crisse la glace. Grincent des gonds :
La taïga gronde et s’engouffre.
Rescrit suprême : Prince nouveau,
Nouveau royaume, entrez altesse.
Et sous mon toit :
Pas ici-bas –
Mais bien chez moi.
27 mars 1923
L’hiver, nous irons dans un petit wagon rose
Avec des coussins bleus.
Nous serons bien. Un nid de baisers fous repose
Dans chaque coin moelleux.
Tu fermeras l’oeil, pour ne point voir, par la glace,
Grimacer les ombres des soirs,
Ces monstruosités hargneuses, populace
De démons noirs et de loups noirs.
Puis tu te sentiras la joue égratignée…
Un petit baiser, comme une folle araignée,
Te courra par le cou…
Et tu me diras : « Cherche ! » en inclinant la tête,
– Et nous prendrons du temps à trouver cette bête
– Qui voyage beaucoup…
À… Elle.
En wagon, le 7 octobre 1870
F A U X ! …
FAUX ! c’est faux ! je suis jeune encore,
Je ne suis pas repu de vivre ;
Il n’est pas de femme au beau corps
Qui ne m’inspire et ne m’enivre.
Me hantent les corps nus et chauds
Des excellentes et des pires,
Des valses les brillants galops
Et les nuits d’amoureux délires.
Même il me rêve d’un amour
Sacré, muet, limpide et tendre
Comme le premier… et toujours
Pour lui je puis des pleurs répandre.
*
Ma vie, ma vie, ma très ancienne
Mon premier voeu mal refermé
Mon premier amour infirmé
Il a fallu que tu reviennes
Il a fallu que je connaisse
Ce que la vie a de meilleur
Quand deux corps jouent de leur bonheur
Et sans fin s’unissent et renaissent
Entré en dépendance entière
Je sais le tremblement de l’être
L’hésitation à disparaître
Le soleil qui frappe en lisière
Et l’amour, où tout est facile,
Où tout est donné dans l’instant
Il existe, au milieu du temps,
La possibilité d’une île.
#apprendreunpoèmeparsemaine
Je peux aimer
et comment
exige de moi tout ce que tu voudras
ma vie, mes yeux
Je peux me fâcher
ma bouche n’écumera pas
mais la colère du chameau n’est rien à côté de la mienne
ma colère, non ma haine
Je peux comprendre
très souvent à vue de nez
c’est-à-dire percevant l’odeur de ce qui est le plus lointain, le plus obscur
et je peux me battre
pour tout ce que je trouve vrai, juste, beau
et pour tout le monde
mon âge et mon image n’y peuvent rien
mais voyez-vous depuis longtemps j’oublie de m’étonner
l’étonnement aux yeux ronds, grands ouverts, éperdument jeune
m’a abandonné.
Dommage.
Février 1963
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