Tu descends la rue des Saints-Pères, tu aperçois, sur le quai qui fait l’angle, un rayon de soleil qui embellit une seule branche d’un des peupliers en leur automne. Tu veux prendre le téléphone, capter l’instant et c’est là, à cet instant, qu’elle décide d’entrer dans le tempo. La tenaille. Qui te brise presqu’en deux, tant elle tranche dans le vif intérieur. Tu es d’un coup totalement indifférente à Erri, qui avance. Toi, tu ne peux pas, dans l’impossibilité de retrouver une respiration. Et tu connais la suite, la douleur qui s’engouffre, le manque d’eux qui envahit tout le corps. — On m’a tout dit sur ça. La vanité. La solitude voulue. L’inaction. Le manque de fraternité. De partage…. Tout peut être vrai, je m’en fous je dois bien l’avouer. — Je veux retrouver ma campagne. Y arriver. Trop de monde sur ce quai. Fuir le bruit.
Y arriver, sans tenir compte d’éventuels besoins d’Erri. Rentrer. Il me faut rentrer. La porte. Le code. Traverser la cour. Monter. Les clés. Ouvrir la porte. Le soleil illumine la pièce. Mon corps, d’un coup, retrouve sa densité. Le coeur est calmé, comme si rien ne s’était passé. — Chercher un gâteau. Des Palmito. — Partager avec Erri — Faire un café — Ne pas pleurer.
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