cet air de rien

Anna Urli-Vernenghi

Mois : octobre 2022

La tenaille

Tu descends la rue des Saints-Pères, tu aperçois, sur le quai qui fait l’angle, un rayon de soleil qui embellit une seule branche d’un des peupliers en leur automne. Tu veux prendre le téléphone, capter l’instant et c’est là, à cet instant, qu’elle décide d’entrer dans le tempo. La tenaille. Qui te brise presqu’en deux, tant elle tranche dans le vif intérieur. Tu es d’un coup totalement indifférente à Erri, qui avance. Toi, tu ne peux pas, dans l’impossibilité de retrouver une respiration. Et tu connais la suite, la douleur qui s’engouffre, le manque d’eux qui envahit tout le corps. — On m’a tout dit sur ça. La vanité. La solitude voulue. L’inaction. Le manque de fraternité. De partage…. Tout peut être vrai, je m’en fous je dois bien l’avouer. — Je veux retrouver ma campagne. Y arriver. Trop de monde sur ce quai. Fuir le bruit.
Y arriver, sans tenir compte d’éventuels besoins d’Erri. Rentrer. Il me faut rentrer. La porte. Le code. Traverser la cour. Monter. Les clés. Ouvrir la porte. Le soleil illumine la pièce. Mon corps, d’un coup, retrouve sa densité. Le coeur est calmé, comme si rien ne s’était passé. — Chercher un gâteau. Des Palmito. — Partager avec Erri — Faire un café — Ne pas pleurer.

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Les persiennes ajourées

Alors que je pars à la recherche des quelques textes repris et falsifiés par Elsa M., les archives me donnent le tournis. — Retrouver comme ça un premier texte, non publié, sur Clem. Après notre rencontre il devait rentrer aux Etats-Unis. Nous passions pratiquement 24/7 ensemble via le téléphone. Il me donnait des recettes de cuisine. « c’est maintenant que tu rajoutes ça, ou ça… »

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« J’aime les persiennes ajourées, très légèrement entrouvertes. Quelques rais de lumière filtrant les après-midi ensoleillées d’été. Dans ce vaste monde, toi le journaliste, qu’est-ce qui t’émeut ? Cela peut aller je le sais d’un sourire d’enfant à la canne d’une vieille femme, de la couleur bleue mariale au rouge sang d’une corrida. Entrouvre les persiennes pour moi, mon Clem, mais garde mystère. Je connais ton courage, je connais ta poltronnerie. Je connais tes larmes. Je connais tes rires. Je connais ta sensualité débridée à l’écrit ta rigueur austère brusquement à l’oral. Je connais tes enthousiasmes. Je ne te connais aucune indifférence. Je connais ta confiance en moi. Je connais ton érudition, tu ne connais pas mon ignorance. Je connais ta persévérance. Je connais quelques de tes insolences, tes inquiétudes, tes ruses flagrantes. Je connais ton esprit facétieux, je n’ignore pas ta gravité. Tu m’inspires l’impatience, et ça ne va pas… Tu m’inspires la passion, il me faut rester dans l’attente. Tu m’inspires le chaud. Tu m’inspires la certitude, alors qu’il me faudrait rester dans l’humilité, la réalité. — et je chuchote, et je chuchote… »

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À Elsa M.

Le plaisir est-il si grand que vous les preniez vôtres à ce point les mots de mes petits billets sur Cet air de rien. Les remanier en mettant votre prénom, Elsa — Si cela n’était que pathétique, je n’interviendrais pas. Vous avez utilisé le mot de trop si je puis dire, dans ce texte Sparadrap, où je parle d’Urli, mon mari.
Vous avez rayé ce nom magnifique pour mettre un vulgaire pronom, Lui. —
Alors Elsa, vous allez arrêter cela immédiatement, supprimer de votre page Facebook ces textes copiés/Collés/remaniés.
Quant aux photos que vous pillez aux uns aux autres, pourquoi ne pas les créditer si vous le pouvez ? — Tentez le coup.


Donc,

Donc, l’Automne et la fraîcheur s’installant, je me suggère de rallumer les radiateurs, d’abord dans la salle de bains ; puis ceux en fonte dans les pièces. L’idée, banale, se révèle un parcours initiatique, non achevé à l’heure actuelle.
— Bac + 4 pour la compréhension de la mise en route.
Alors, imaginez-moi devant les petits cadrans aux multiples signes. Je me dis, ne t’accable pas. Touche ici ou là tu verras bien. Que nenni. Froids, ils restent froids les adorables radiateurs qui ne demandent qu’à faire le job. Je me sens tellement sotte devant ces P1, P2, P3, les chiffres qui les accompagnent.
Alors, j’appelle Sami, un géant pakistanais qui était un des ouvriers du chantier. Un adorable. Un Hercule, parlant et écrivant un français sans faute. — Vous inquiétez pas Madame Anna, je vais vous faire ça. — J’adore quand il m’appelle Madame Anna…. Madame… m’y ferai jamais. Suis juste Anna.
Bref, Sami arrive donc. Bonjour, bonjour, un café ? …. Va dans la salle de bains, clique ici et là. Ça commence à chauffer. Vous voyez Madame Anna : + là, – là… OK, je vois.
Ensuite, Sami se couche sous les radiateurs en fonte. Là, l’affaire se complique tant il y a de programmes (incompréhensibles). Je lui dis souhaiter 20° dans la cuisine et 19 ailleurs.
Il s’applique. Ça commence à chauffer, piano piano… La fonte bien sûr. Et il part.
Quelques heures après, le froid est de nouveau en place, partout.
Sami revient le lendemain. Rebelote pour la gymnastique. Rien… Il décide alors d’aller chez Leroy-Merlin pour qu’on lui explique la chose. De mon côté j’essaie de joindre la société italienne. Là encore chou blanc, il faut des codes !
Bref, Venez vite Sami, j’ai un dîner demain…

Vedremmo.

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